lundi 28 novembre 2011

ADVOCACY AND INDICTMENT


PLAIDOYER ET RÉQUISITOIRE






Proche de la plaidoirie (qu'on réservera au domaine juridique), le plaidoyer est, avec le réquisitoire, un travail d'écriture qu'on rencontre à l'examen de plus en plus fréquemment. Même si on reste toujours indulgent quant à la stricte observance de leurs formes rhétoriques, ces types d'exercices exigent une certaine maîtrise du vocabulaire et de la syntaxe dans la mesure où il s'agit de rester fidèle au registre oratoire. Celui-ci donne au texte une acuité et une tension particulières qui constituent un bon aboutissement de l'étude des formes argumentatives.
Plaidoyer et réquisitoire appartiennent au genre judiciaire. On sait que la rhétorique classique reliait les discours à trois situations fondamentales :

l'orateur défend ou attaque quelqu'un à cause d'un acte commis dans le passé, pour persuader de l'innocence ou de la culpabilité : c'est le genre judiciaire;
il s'adresse à une assemblée afin de la persuader de prendre une décision qui concerne l'avenir : c'est le genre délibératif;
il vante les mérites ou critique les défauts d'une personne ou d'une institution : c'est le genre épidictique.
Mais, comme il en est de tout classement, ces catégories sont poreuses : un même texte peut, par exemple, conjuguer les formes classiques du judiciaire et de l'épidictique. C'est autour de ce mélange que s'inscrit notre séquence : éloge et blâme, qui appartiennent plus précisément à l'épidictique, rejoignent naturellement les registres mis en œuvre dans le plaidoyer ou le réquisitoire, qui ressortissent au judiciaire. Dans toutes ces productions, en tout cas, la littérature reconnaît l'une de ses vibrations fondamentales, chargée toujours des accents de l'amour ou de la haine.



EXERCICE 1 : l'éloge et le blâme.

Apologie ou satire, louanges ou railleries, les genres épidictiques sont très anciens et correspondent d'abord à des catégories très formalisées, inscrites dans les canons de la rhétorique ancienne. Il s'agit toujours dans ces discours publics de l'éducation morale des citoyens : par les plus hauts exemples de vertu ou de vice, en ne ménageant pas les effets d'amplification, l'orateur s'inscrit dans un édifice de valeurs auxquels chacun est invité à souscrire. Dépassant ces catégories, l'écrivain moderne a su allier dans les ressorts de son émotion l'objet public à l'hommage privé :

Victor HUGO, Le manteau impérial (Châtiments, 1853) COLETTE, La Naissance du jour (1928)
Oh ! vous dont le travail est joie,
Vous qui n'avez pas d'autre proie
Que les parfums, souffles du ciel,
Vous qui fuyez quand vient décembre,
Vous qui dérobez aux fleurs l'ambre
Pour donner aux hommes le miel,
Chastes buveuses de rosée,
Qui, pareilles à l'épousée,
Visitez le lys du coteau,
Ô sœurs des corolles vermeilles,
Filles de la lumière, abeilles,
Envolez-vous de ce manteau !

Ruez-vous sur l'homme, guerrières !
Ô généreuses ouvrières,
Vous le devoir, vous la vertu,
Ailes d'or et flèches de flamme,
Tourbillonnez sur cet infâme !
Dites-lui : « Pour qui nous prends-tu ?

« Maudit ! nous sommes les abeilles !
« Des chalets ombragés de treilles
« Notre ruche orne le fronton;
« Nous volons, dans l'azur écloses,
« Sur la bouche ouverte des roses
« Et sur les lèvres de Platon.

« Ce qui sort de la fange y rentre.
« Va trouver Tibère en son antre,
« Et Charles neuf sur son balcon.
« Va ! sur ta pourpre il faut qu'on mette,
« Non les abeilles de l'Hymette,
« Mais l'essaim noir de Montfaucon ! »

Et percez-le toutes ensemble,
Faites honte au peuple qui tremble,
Aveuglez l'immonde trompeur,
Acharnez-vous sur lui, farouches,
Et qu'il soit chassé par les mouches
Puisque les hommes en ont peur !
« Monsieur,
« Vous me demandez de venir passer une huitaine de jours chez vous, c’est-à-dire auprès de ma fille que j’adore. Vous qui vivez auprès d’elle, vous savez combien je la vois rarement, combien sa présence m’enchante, et je suis touchée que vous m’invitiez à venir la voir. Pourtant, je n’accepterai pas votre aimable invitation, du moins pas maintenant. Voici pourquoi : mon cactus rose va probablement fleurir ! C’est une plante très rare, que l’on m’a donnée, et qui, m’a-t-on dit, ne fleurit sous nos climats que tous les quatre ans. Or, je suis déjà une très vieille femme, et, si je m’absentais pendant que mon cactus rose va fleurir, je suis certaine de ne pas le voir refleurir une autre fois...
«Veuillez donc accepter, Monsieur, avec mon remerciement sincère, l’expression de mes sentiments distingués et de mon regret.»

Ce billet, signé « Sidonie Colette, née Landoy », fut écrit par ma mère à l’un de mes maris, le second. L’année d’après, elle mourait, âgée de soixante-dix-sept ans.
Au cours des heures où je me sens inférieure à tout ce qui m’entoure, menacée par ma propre médiocrité, effrayée de découvrir qu’un muscle perd sa vigueur, un désir sa force, une douleur la trempe affilée de son tranchant, je puis pourtant me redresser et me dire : « Je suis la fille de celle qui écrivit cette lettre, - cette lettre et tant d’autres, que j’ai gardées. Celle-ci, en dix lignes, m’enseigne qu’à soixante-seize ans elle projetait et entreprenait des voyages, mais que l’éclosion possible, l’attente d’une fleur tropicale suspendait tout et faisait silence même dans son cœur destiné à l’amour. Je suis la fille d’une femme qui, dans un petit pays honteux, avare et resserré, ouvrit sa maison villageoise aux chats errants, aux chemineaux et aux servantes enceintes. Je suis la fille d’une femme qui, vingt fois désespérée de manquer d’argent pour autrui, courut sous la neige fouettée de vent crier de porte en porte, chez des riches, qu’un enfant, près d’un âtre indigent venait de naître sans langes, nu sur de défaillantes mains nues... Puissé-je n’oublier jamais que je suis la fille d’une telle femme qui penchait, tremblante, toutes ses rides éblouies entre les sabres d’un cactus sur une promesse de fleur, une telle femme qui ne cessa elle-même d’éclore, infatigablement, pendant trois quarts de siècle...










Questions :

1. Recherchez dans le texte de Victor Hugo les formes littéraires du blâme et, dans celui de Colette, celles de l'éloge. Montrez que le texte de Hugo contient aussi ces dernières.
2. Quelles sont les valeurs défendues par chacun des deux écrivains ?
3. Recherchez, dans le champ des deux genres, le sens des mots suivants et précisez leurs différences à l'aide d'exemples :
► l'éloge : apologie - blason - dithyrambe - hymne - louange - oraison funèbre - panégyrique.
► le blâme : diatribe - épigramme - factum - libelle - pamphlet - pasquin - philippique - réprobation - satire - vindicte.
4. Comment peut-on classer ces mots du plus faible au plus fort ?
► mélioratif : merveilleux - admirable - splendide - divin - grand - mirifique - magnifique - sublime - prodigieux - fabuleux.
► péjoratif : exécrable - ignoble - immonde - détestable - abject - bas - vil - méprisable - infâme - misérable.




► Attention à l'ironie, qui, par le recours à l'antiphrase, inverse les termes appréciatifs pour inviter le lecteur à mieux saisir le ridicule des thèses qu'il souhaite réfuter. Repérez ces effets dans le texte ci-dessous, où Condillac entreprend de dénoncer, comme Fontenelle, les erreurs de méthode de la philosophie scolastique :

Qu'un Philosophe donc qui ambitionne de grands succès, exagère les difficultés du sujet qu'il entreprend de traiter; qu'il agite chaque question comme s'il allait développer les ressorts les plus secrets des phénomènes; qu'il ne balance point à donner pour neufs les principes les plus rebattus, qu'il les généralise autant qu'il lui sera possible; qu'il affirme les choses dont son lecteur pourrait douter, et dont il devrait douter lui-même; et qu'après bien des efforts, plutôt pour faire valoir ses veilles que pour rien établir, il ne manque pas de conclure qu'il a démontré ce qu'il s'était proposé de prouver : il lui importe peu de remplir son objet : c'est à sa confiance à persuader que tout est dit quand il a parlé.
Il ne se piquera pas de bien écrire, lorsqu'il raisonnera : alors les constructions longues et embarrassées échappent au lecteur, comme les raisonnements. Il réservera tout l'art de son éloquence, pour jeter de temps en temps de ces périodes artistement faites, où l'on se livre à son imagination sans se mettre en peine du ton qu'on vient de quitter, et de celui qu'on va reprendre, où l'on substitue au terme propre celui qui frappe davantage, et où l'on se plaît à dire plus qu'on ne doit dire. Si quelques jolies phrases qu'un écrivain pourrait ne pas se permettre, ne font pas lire un livre, elles le font feuilleter et l'on en parle. Traitassiez-vous les sujets les plus graves, on s'écriera : ce Philosophe est charmant. [...]
Mais n'oubliez pas de traiter avec mépris ces observateurs, qui ne suivent pas vos principes parce qu'ils sont plus timides que vous quand il s'agit de raisonner : dites qu'ils admirent d'autant plus, qu'ils observent davantage et qu'ils raisonnent moins; qu'ils nous étourdissent de merveilles qui ne sont pas dans la nature, comme si le Créateur n'était pas assez grand par ses ouvrages, et que nous crussions le faire plus grand par notre imbécillité. Reprochez-leur enfin des monstres de raisonnements sans nombre. Plaignez surtout ceux qui s'occupent à observer des insectes : car une mouche ne doit pas tenir dans la tête d'un naturaliste plus de place qu'elle n'en tient dans la nature, et une république d'abeilles ne sera jamais aux yeux de la raison, qu'une foule de petites bêtes qui n'ont d'autre rapport avec nous que celui de nous fournir de la cire et du miel.
Condillac, Traité des animaux (Conclusion de la Première partie), 1754.





EXERCICE 2 : reconnaître les formes du plaidoyer et du réquisitoire.



Commencez par examiner ces deux textes :


Émile Zola : Déclaration au jury

Traîné devant la justice pour avoir pris la défense d'Alfred Dreyfus en mettant en cause l'armée française (J'accuse a paru dans L'Aurore le 13 janvier 1898), Émile Zola prononce cette déclaration au terme de son procès, le 21 février.

Vous n'en êtes pas à dire comme beaucoup : « Que nous importe qu'un innocent soit à l'île du Diable ! est-ce que l'intérêt d'un seul vaut la peine de troubler ainsi un grand pays ? » Mais vous vous dites tout de même que notre agitation, à nous les affamés de vérité et de justice, est payée trop chèrement par tout le mal qu'on nous accuse de faire. Et, si vous me condamnez, messieurs, il n'y aura que cela au fond de votre verdict : le désir de calmer les vôtres, le besoin que les affaires reprennent, la croyance qu'en me frappant, vous arrêterez une campagne de revendication nuisible aux intérêts de la France.
Eh bien ! messieurs, vous vous tromperiez absolument. Veuillez me faire l'honneur de croire que je ne défends pas ici ma liberté. En me frappant, vous ne feriez que me grandir. Qui souffre pour la vérité et la justice devient auguste et sacré. Regardez-moi, messieurs : ai-je mine de vendu, de menteur et de traître ? Pourquoi donc agirais-je ? Je n'ai derrière moi ni ambition politique, ni passion de sectaire. Je suis un libre écrivain, qui a donné sa vie au travail, qui rentrera demain dans le rang et reprendra sa besogne interrompue. Et qu'ils sont donc bêtes ceux qui m'appellent l'italien, moi né d'une mère française, élevé par des grands-parents beaucerons, des paysans de cette forte terre, moi qui ai perdu mon père à sept ans, qui ne suis allé en Italie qu'à cinquante-quatre ans, et pour documenter un livre. Ce qui ne m'empêche pas d'être très fier que mon père soit de Venise, la cité resplendissante dont la gloire ancienne chante dans toutes les mémoires. Et, si même je n'étais pas Français, est-ce que les quarante volumes de langue française que j'ai jetés par millions d'exemplaires dans le monde entier, ne suffiraient pas à faire de moi un Français, utile à la gloire de la France !





Victor Hugo : Le dernier jour d'un condamné, préface (1832)

(Vous pouvez prendre connaissance du début de ce texte dans la partie consacrée à la réfutation d'une thèse).

Mais vous, est-ce bien sérieusement que vous croyez faire un exemple quand vous égorgillez misérablement un pauvre homme dans le recoin le plus désert des boulevards extérieurs ? En Grève, en plein jour, passe encore ; mais à la barrière Saint-Jacques ! mais à huit heures du matin ! Qui est-ce qui passe là ? Qui est-ce qui va là ? Qui est-ce qui sait que vous tuez un homme là ? Qui est-ce qui se doute que vous faites un exemple là ? Un exemple pour qui ? Pour les arbres du boulevard, apparemment. Ne voyez-vous donc pas que vos exécutions publiques se font en tapinois ? Ne voyez-vous donc pas que vous vous cachez ? Que vous avez peur et honte de votre œuvre ? Que vous balbutiez ridiculement votre discite justitiam moniti? Qu'au fond vous êtes ébranlés, interdits, inquiets, peu certains d'avoir raison, gagnés par le doute général, coupant des têtes par routine et sans trop savoir ce que vous faites ? Ne sentez-vous pas au fond du cœur que vous avez tout au moins perdu le sentiment moral et social de la mission de sang que vos prédécesseurs, les vieux parlementaires, accomplissaient avec une conscience si tranquille ? La nuit, ne retournez-vous pas plus souvent qu'eux la tête sur votre oreiller ? D'autres avant vous ont ordonné des exécutions capitales, mais ils s'estimaient dans le droit, dans le juste, dans le bien. Jouvenel des Ursins se croyait un juge; Élie de Thorette se croyait un juge ; Laubardemont, La Reynie et Laffemaseux-mêmes se croyaient des juges; vous, dans votre for intérieur, vous n'êtes pas bien sûrs de ne pas être des assassins.


- posez les questions dont vous avez l'habitude (qui parle ? à qui ? de quoi ?). Vous repérez dans les deux textes une première différence : alors que la première personne du singulier domine le premier texte, elle est absente du second. Pourquoi ? Vous répondrez bien sûr en montrant que le premier est bâti sur la défense, l'autre sur l'attaque. Voici une différence essentielle : le plaidoyer (texte 1) est un discours que l'on prononce en faveur d'une personne ou d'une idée (on parle de plaidoyer pro domo lorsque l'on plaide pour soi-même, ce qui est le cas de Zola); le réquisitoire (texte 2) est un discours dans lequel, au contraire, on accumule des chefs d'accusation.
Montrez les différences des deux textes dans leur manière de s'adresser à l'auditoire.
- quelle est, dans les deux textes, la thèse adverse ? quelle est la thèse soutenue ? Montrez que les auteurs ont tous deux soin de la rappeler et de la présenter de manière à la dévaloriser. Comment ? Dans lequel de ces deux textes néanmoins, le vocabulaire est-il le plus péjoratif ? Pourquoi ?
- Si les émotions que trahit le texte 2 sont plutôt celles de la colère et de l'indignation, il n'en est pas de même du texte 1. Quels sentiments veut faire naître Zola dans son autoportrait ?
- Repérez maintenant dans la forme des deux textes les mêmes effets oratoires : longues phrases, souvent commandées par des oppositions; anaphores ; interrogations oratoires...

Pour vous aider à récapituler les points communs et les différences présentés par le plaidoyer et le réquisitoire, voici un tableau qui les recense schématiquement :

PLAIDOYER
RÉQUISITOIRE

Qui parle ? Nous, je (forte implication de l'émetteur) Nous, je (implication de l'émetteur)
A qui ? Implication de l'auditoire à convaincre Forte implication de l'auditoire à convaincre
De qui,
de quoi ? D'un sujet considéré comme victime D'un sujet considéré comme coupable
Vocabulaire Mélioratif Péjoratif
Registre Pathétique Polémique
Procédés oratoires Effets pathétiques et déploratifs, longues phrases rythmées Interrogations oratoires, injonctions, exclamations exprimant la colère,
l'indignation ; longues phrases rythmées
Stratégie Appel à la pitié Ironie, appel à la raison



EXERCICE 3 : l'éloge paradoxal.

Observez le texte suivant :

Je mesure aujourd’hui la folie et la méchanceté de ceux qui calomnient cette institution divine : l’argent ! L’argent spiritualise tout ce qu’il touche en lui apportant une dimension à la fois rationnelle – mesurable - et universelle - puisqu’un bien monnayé devient virtuellement accessible à tous les hommes. La vénalité est une vertu cardinale. L’homme vénal sait faire taire ses instincts meurtriers et asociaux - sentiment de l’honneur, amour-propre, patriotisme, ambition politique, fanatisme religieux, racisme - pour ne laisser parler que sa propension à la coopération, son goût des échanges fructueux, son sens de la solidarité humaine. Il faut prendre à la lettre l’expression l’âge d’or, et je vois bien que l’humanité y parviendrait vite si elle n’était menée que par des hommes vénaux. Malheureusement ce sont presque toujours des hommes désintéressés qui font l’histoire, et alors le feu détruit tout, le sang coule à flots. Les gras marchands de Venise nous donnent l'exemple du bonheur fastueux que connaît un état mené par la seule loi du lucre, tandis que les loups efflanqués de l'Inquisition espagnole nous montrent de quelles infamies sont capables des hommes qui ont perdu le goût des biens matériels. Les Huns se seraient vite arrêtés dans leur déferlement s'ils avaient su profiter des richesses qu'ils avaient conquises. Alourdis par leurs acquisitions, ils se seraient établis pour mieux en jouir, et les choses auraient repris leur cours naturel. Mais c'étaient des brutes désintéressées. Ils méprisaient l'or. Et ils se ruaient en avant, brûlant tout sur leur passage.
Michel Tounier, Vendredi ou les limbes du Pacifique (1967).


Vous y repérez sans mal le vocabulaire de l'éloge. Mais vous aurez noté aussi que ce lexique mélioratif s'applique à ce qu'il est plutôt coutumier de considérer comme un travers : la vénalité ! L'auteur va même jusqu'à la considérer comme une "vertu cardinale". A y regarder de plus près, ne constate-t-on pas d'autres exagérations de ce type ?
Pourquoi faire l'éloge de ce que l'opinion commune condamne ? Précisément pour montrer ce que celle-ci a de convenu et tenter de la réactiver. Ainsi Michel Tournier dans le texte ci-dessus s'installe dans un point de vue extrême en nous laissant le soin d'y repérer l'indéfendable : peut-on en effet soutenir sans sourciller que tous les hommes désintéressés sont susceptibles des pires infamies ? En d'autres termes, comme dans le registre ironique, l'auteur d'un éloge paradoxal entend provoquer le lecteur, non sans cynisme, et le sommer de retrouver une opinion plus mesurée.
Il s'agit donc d'un procédé rhétorique. L'éloge paradoxal a derrière lui une longue tradition et d'illustres exemples : on pense par exemple à l'Eloge de la Folie d'Erasme ou à l'éloge des dettes entonné par Panurge dans Le Tiers-Livre de Rabelais.
On aurait tort pourtant de considérer ces éloges comme globalement ironiques, car il s'y cache toujours quelque vérité salubre : ainsi Tournier montre à quoi peut amener un excès d'ascétisme et de vertu.

► Considérez les deux textes suivants : à quoi reconnaît-on la présence d'un éloge paradoxal ? Sous l'exagération, quelles sont les valeurs réellement défendues par ces deux auteurs ?

1. Il me suffit d'entendre quelqu'un parler sincèrement d'idéal, d'avenir, de philosophie, de l'entendre dire «vous» avec une inflexion d'assurance, d'invoquer les «autres» et s'en estimer l'interprète - pour que je le considère comme mon ennemi. J'y vois un tyran manqué, un bourreau approximatif, aussi haïssable que les tyrans, que les bourreaux de grande classe. C'est que toute foi exerce une forme de terreur, d'autant plus effroyable que les «purs» en sont les agents. On se méfie des finauds, des fripons des farceurs; pourtant on ne saurait leur imputer aucune des grandes convulsions de l'histoire; ne croyant en rien, ils ne fouillent pas vos cœurs, ni vos arrière-pensées; ils vous abandonnent à votre nonchalance, à votre désespoir ou à votre inutilité; l'humanité leur doit le peu de moments de prospérité qu'elle connut. Ce sont eux qui sauvent les peuples, que les fanatiques torturent et que les «idéalistes» ruinent. Sans doctrine, ils n'ont que des caprices et des intérêts, des vices accommodants, mille fois plus supportables que les ravages provoqués par le despotisme à principes; car tous les maux de la vie viennent d'une conception de la vie. Un homme politique accompli devrait approfondir les sophistes anciens et prendre des leçons de chant - et de corruption…
Emile-Michel Cioran, Précis de décomposition (1949).




2. Quand, dans notre Europe civilisée, on veut retrouver une trace de la beauté native de l'homme, il faut l'aller chercher chez les nations où les préjugés économiques n'ont pas encore déraciné la haine du travail. L'Espagne, qui, hélas ! dégénère, peut encore se vanter de posséder moins de fabriques que nous de prisons et de casernes ; mais l'artiste se réjouit en admirant le hardi Andalou, brun comme des castagnes, droit et flexible comme une tige d'acier ; et le cœur de l'homme tressaille en entendant le mendiant, superbement drapé dans sa capa trouée, traiter d'amigo des ducs d'Ossuna. Pour l'Espagnol, chez qui l'animal primitif n'est pas atrophié, le travail est le pire des esclavages. Les Grecs de la grande époque n'avaient, eux aussi, que mépris pour le travail ; aux esclaves seuls il était permis de travailler : l'homme libre ne connaissait que les exercices corporels et les jeux de l'intelligence. C'était aussi le temps où l'on marchait et respirait dans un peuple d'Aristote, de Phidias, d'Aristophane ; c'était le temps où une poignée de braves écrasait à Marathon les hordes de l'Asie qu'Alexandre allait bientôt conquérir. Les philosophes de l'antiquité enseignaient le mépris du travail, cette dégradation de l'homme libre ; les poètes chantaient la paresse, ce présent des Dieux :
O Melibœe, Deus nobis hœc otia fecit.
Christ, dans son discours sur la montagne, prêcha la paresse : « Contemplez la croissance des lis des champs, ils ne travaillent ni ne filent, et cependant, je vous le dis, Salomon, dans toute sa gloire, n'a pas été plus brillamment vêtu. »
Paul Lafargue, Le droit à la paresse (1880).





EXERCICE 4 : écrire.

Plaidoyers et réquisitoires demandent une utilisation particulièrement talentueuse de la syntaxe, et ce qu'on appelle l'éloquence tient sans doute davantage à ce talent qu'au pouvoir réel de conviction des arguments qu'on emploie.

a - la phrase oratoire

Vous pourrez dans ces exercices vous inspirer des techniques de la phrase oratoire (qu'on appelle aussi la période) dont le souffle particulier peut être représenté ainsi :






Observez la phrase suivante :

Nous venons, écrivains, peintres, sculpteurs, architectes amateurs passionnés de la beauté, jusqu'ici intacte, de Paris, protester de toutes nos forces, de toute notre indignation, au nom du goût français méconnu, au nom de l'art et de l'histoire français menacés, contre l'érection, en plein cœur de notre capitale, de l'inutile et monstrueuse Tour Eiffel, que la malignité publique, souvent empreinte de bon sens et d'esprit de justice, a déjà baptisée du nom de "Tour de Babel".
(Les artistes contre la Tour Eiffel, Le Temps, 14 février 1887)



Vous pourriez aisément contracter cette phrase en une formulation équivalente et non oratoire qui dirait : « Nous protestons contre l'érection de la Tour Eiffel » ! Mais il s'agit ici de dramatiser l'énoncé :
- Identifiez les éléments constitutifs de la protase (énumérations, rythmes binaires, expansions du nom) qui constituent des effets dilatoires (retardants) jusqu'à l'acmé. Où situez-vous celle-ci ? Faites la même recherche à propos de l'apodose et montrez comment elle nous amène à la chute finale (la clausule) des mots "Tour de Babel", aux connotations péjoratives (lesquelles ?).

- Même consigne pour la phrase suivante :

Les combattants frénétiques de la guerre sans merci avaient soudainement vu, en face de tous les forfaits, de tous les attentats, de tous les fanatismes, de l'assassinat, de la vengeance attisant les bûchers, de la mort arrivant une torche à la main, au-dessus de l'énorme légion des crimes, se dresser cette toute-puissance, l'innocence.
Victor Hugo, Quatrevingt-treize, 1873.



- Même consigne pour la phrase suivante, dont vous ferez au préalable une analyse grammaticale :

Tant que les hommes se contentèrent de leurs cabanes rustiques, tant qu'ils se bornèrent à coudre leurs habits avec des épines ou des arêtes, à se parer de plumes et de coquillages, à se peindre le corps de diverses couleurs, à perfectionner ou embellir leurs arcs et leurs flèches, à tailler avec des pierres tranchantes quelques canots de pêcheurs, ou quelques grossiers instruments de musique, en un mot, tant qu'ils ne s'appliquèrent qu'à des ouvrages qu'un seul pouvait faire et qu'à des arts qui n'avaient pas besoin du concours de plusieurs mains, ils vécurent libres, sains, bons et heureux autant qu'ils pouvaient l'être par leur nature et continuèrent à jouir entre eux des douceurs d'un commerce indépendant, mais dès l'instant qu'un homme eut besoin du secours d'un autre, dès qu'on s'aperçut qu'il était utile à un seul d'avoir des provisions pour deux, l'égalité disparut, la propriété s'introduisit, le travail devint nécessaire et les vastes forêts se changèrent en des campagnes riantes qu'il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l'esclavage et la misère germer et croître avec les moissons.
J.J. Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755).




b - les modalisations

Le genre judiciaire, auquel appartiennent plaidoyer et réquisitoire, met en œuvre une modalisation de la certitude. Observez dans le texte suivant les différents procédés par lesquels se manifeste ce pouvoir de conviction : anaphores, exclamations, question rhétorique, évaluatifs péjoratifs.


Émile Zola : J'accuse (L'Aurore, 13 janvier 1898)
Je l'ai démontré d'autre part : l'affaire Dreyfus était l'affaire des bureaux de la guerre, un officier de l'état-major, dénoncé par ses camarades de l'état-major, condamné sous la pression des chefs de l'état-major. Encore une fois, il ne peut revenir innocent sans que tout l'état-major soit coupable. Aussi les bureaux, par tous les moyens imaginables, par des campagnes de presse, par des communications, par des influences, n'ont-ils couvert Esterhazy que pour perdre une seconde fois Dreyfus. Quel coup de balai le gouvernement républicain devrait donner dans cette jésuitière, ainsi que les appelle le général Billot lui-même ! Où est-il, le ministère vraiment fort et d'un patriotisme sage, qui osera tout y refondre et tout y renouveler ? Que de gens je connais qui, devant une guerre possible, tremblent d'angoisse, en sachant dans quelles mains est la défense nationale ! Et quel nid de basses intrigues, de commérages et de dilapidations, est devenu cet asile sacré, où se décide le sort de la patrie ! On s'épouvante devant le jour terrible que vient d'y jeter l'affaire Dreyfus, ce sacrifice humain d'un malheureux, d'un « sale juif » ! Ah ! tout ce qui s'est agité là de démence et de sottise, des imaginations folles, des pratiques de basse police, des mœurs d'inquisition et de tyrannie, le bon plaisir de quelques galonnés mettant leurs bottes sur la nation, lui rentrant dans la gorge son cri de vérité et de justice, sous le prétexte menteur et sacrilège de la raison d'État !
Et c'est un crime encore que de s'être appuyé sur la presse immonde, que de s'être laissé défendre par toute la fripouille de Paris, de sorte que voilà la fripouille qui triomphe insolemment, dans la défaite du droit et de la simple probité. C'est un crime d'avoir accusé de troubler la France ceux qui la veulent généreuse, à la tête des nations libres et justes, lorsqu'on ourdit soi-même l'impudent complot d'imposer l'erreur, devant le monde entier. C'est un crime d'égarer l'opinion, d'utiliser pour une besogne de mort cette opinion qu'on a pervertie jusqu'à la faire délirer. C'est un crime d'empoisonner les petits et les humbles, d'exaspérer les passions de réaction et d'intolérance, en s'abritant derrière l'odieux antisémitisme, dont la grande France libérale des droits de l'homme mourra, si elle n'en est pas guérie. C'est un crime que d'exploiter le patriotisme pour des œuvres de haine, et c'est un crime, enfin, que de faire du sabre le dieu moderne, lorsque toute la science humaine est au travail pour l'œuvre prochaine de vérité et de justice.


Vous pourrez vous exercer utilement à réinvestir librement ces formes : celles du plaidoyer seront plus facilement guidées par votre émotion et votre sens du pathétique, tandis que la colère et l'indignation vous donneront l'élan nécessaire au réquisitoire.




Nous vous proposons de composer un réquisitoire à partir du texte suivant, qui est une transposition "aplatie" d'un passage célèbre de L'Étranger d'Albert Camus : le narrateur, Meursault, rapporte les minutes du procès qui le juge pour meurtre, au cours duquel on a mis aussi en évidence une insensibilité "criminelle". Vous pourrez vous auto-corriger en consultant le texte original (II, ch.4), qui donne une version souvent parodique du réquisitoire de l'avocat général. Vous devrez bien sûr retrouver les formes du discours direct (l'avocat général parle, non Meursault !; il s'adresse aux jurés) et tous les procédés oratoires que nous avons recensés.


Il avait retracé le fil des événements qui m'avaient, selon lui, conduit à tuer en pleine connaissance de cause. Il y insistait : il ne s'agissait pas d'un assassinat ordinaire, d'un acte irréfléchi qu'on pourrait estimer atténué par les circonstances. J'étais intelligent, on m'avait entendu. Je savais répondre. Je connaissais la valeur des mots. Et l'on ne pouvait pas dire que j'avais agi sans me rendre compte de ce que je faisais.
A ce moment, il s'est tourné vers moi et m'a désigné du doigt en continuant de m'accabler sans qu'en réalité je comprenne bien pourquoi. Avais-je seulement exprimé des regrets ? Jamais, pas une seule fois au cours de l'instruction je n'avais paru ému de mon abominable attentat.
Puis il s'est mis à parler de mon âme. Il disait qu'il s'était penché sur elle et qu'il n'avait rien trouvé. Il disait qu'à la vérité, je n'en avais point, d'âme, et que rien d'humain, pas un des principes moraux qui gardent le cœur des hommes ne m'était accessible. Il reconnaissait qu'on ne pouvait me reprocher de manquer de ce que je n'avais jamais su acquérir, mais, devant cette cour, la vertu toute négative de la tolérance devait, selon lui, se muer en celle, plus élevée, de la justice, surtout lorsque le vide du cœur tel qu'on le découvrait chez moi devenait un gouffre où la société tout entière pouvait succomber. [...]
Ici, le procureur a essuyé son visage brillant de sueur. Il a dit enfin que son devoir était douloureux, mais qu'il l'accomplirait fermement. Il a déclaré que je n'avais rien à faire avec une société dont je méconnaissais les règles les plus essentielles et que je ne pouvais pas en appeler à ce cœur humain dont j'ignorais les réactions élémentaires. Il demandait donc ma tête avec le cœur léger. Car s'il lui était arrivé au cours de sa déjà longue carrière de réclamer des peines capitales, jamais autant qu'aujourd'hui, il n'avait senti ce pénible devoir compensé, balancé, éclairé par la conscience d'un commandement impérieux et sacré et par l'horreur qu'il ressentait devant un visage d'homme où il ne lisait rien que de monstrueux.



Vous pourrez aussi entreprendre de composer le plaidoyer du même personnage en prenant mieux connaissance des pièces du dossier (lisez donc le roman !). Vous pourrez sans doute y manifester plus de talent que l'avocat de Meursault, qui en manque singulièrement !

LE MONOLOGUE DÉLIBÉRATIF :
dilemmes








Quel champ de bataille que l'homme !
Victor Hugo



e genre délibératif correspond à l'une des trois subdivisions de l'éloquence antique : il s'agit toujours dans ce type de discours d'exposer devant une assemblée des arguments contradictoires dans la recherche d'une solution.
Nous en proposons ci-dessous cinq exemples, mais, ici, la confrontation des thèses, inscrite dans les enjeux d'une œuvre littéraire, se développe dans la conscience d'un individu : confronté à un dilemme dont toutes les issues lui sont dommageables, le personnage mène un véritable débat intérieur avant de décider du parti à prendre. Nous vous proposons d'observer les formes de chacun de ces monologues de roman ou de théâtre avant de vous inviter à un travail d'écriture :



Texte 1
François RABELAIS, Pantagruel (1532), chapitre 3.
(orthographe modernisée)
DU DEUIL QUE MENA GARGANTUA A LA MORT DE SA FEMME BADEBEC

Quand Pantagruel fut né, qui fut bien ébahi et perplexe? Ce fut Gargantua son père. Car, voyant d'un côté sa femme Badebec morte, et de l'autre son fils Pantagruel né, tant beau et tant grand, ne savait que dire ni que faire, et le doute qui troublait son entendement était à savoir s'il devait pleurer pour le deuil de sa femme, ou rire pour la joie de son fils. D'un côté et d'autre, il avait arguments sophistiques qui le suffoquaient car il les faisait très bien in modo et figura, mais il ne les pouvait souldre, et par ce moyen, demeurait empêtré comme la souris empeigée, ou un milan pris au lacet.
« Pleurerai-je ? disait-il. Oui, car pourquoi ? Ma tant bonne femme est morte, qui était la plus ceci, la plus cela qui fût au monde. Jamais je ne la verrai, jamais je n'en recouvrerai une telle : ce m'est une perte inestimable. O mon Dieu que t'avais-je fait pour ainsi me punir ? Que n'envoyas-tu la mort à moi premier qu'à elle ? car vivre sans elle ne m'est que languir. Ha ! Badebec, ma mignonne, m'amie — mon petit con (toutefois elle en avait bien trois arpents et deux sexterées), ma tendrette, ma braguette, ma savate, ma pantoufle, jamais je ne te verrai. Ha ! pauvre Pantagruel, tu as perdu ta bonne mère, ta douce nourrice, ta dame très aimée ! Ha, fausse mort, tant tu m'es malivole, tant tu m'es outrageuse, de me tollir celle à laquelle immortalité appartenait de droit ! »
Et, ce disant, pleurait comme une vache; mais tout soudain riait comme un veau, quand Pantagruel lui venait en mémoire.
« Ho, mon petit fils, disait-il, mon couillon, mon peton, que tu es joli et tant je suis tenu à Dieu de ce qu'il m'a donné un si beau fils, tant joyeux, tant riant tant joli. Ho, ho, ho, ho ! que je suis aise ! Buvons, ho ! laissons toute mélancolie ! Apporte du meilleur, rince les verres, boute la nappe, chasse ces chiens, souffle ce feu, allume la chandelle, ferme cette porte, taille ces soupes, envoie ces pauvres, baille-leur ce qu'ils demandent ! Tiens ma robe, que je me mette en pourpoint pour mieux festoyer les commères. »
Ce disant, ouït la litanie et les Mementos des prêtres qui portaient sa femme en terre, dont laissa son bon propos, et tout soudain fut ravi ailleurs, disant :
« Seigneur Dieu, faut-il que je me contriste encore ? Cela me fâche, je ne suis plus jeune, je deviens vieux, le temps est dangereux, je pourrai prendre quelque fièvre; me voilà affolé. Foi de gentilhomme, il vaut mieux pleurer moins et boire davantage ! Ma femme est morte, et bien, par Dieu ! (da jurandi), je ne la ressusciterai pas par mes pleurs : elle est bien, elle est en paradis pour le moins, si mieux n'est; elle prie Dieu pour nous, elle est bien heureuse, elle ne se soucie plus de nos misères et calamités. Autant nous en pend à l'œil. Dieu garde le demeurant ! Il me faut penser d'en trouver une autre.


PERSPECTIVES

Pour ce premier document, nous suivons une démarche qui restera valable pour les autres :

Il convient d'abord de déterminer quelle est la cause du dilemme (et son référent moral), puis de cerner précisément les deux branches de l'alternative qui divise le personnage : la mort de sa femme Badebec incline Gargantua aux larmes cependant que la naissance de son fils le comble de joie. Plus que d'un parti à prendre par la raison, il s'agit donc pour lui de se déterminer entre deux réactions naturelles qui ressortissent au sentiment plus qu'à la morale.
Il nous faut ensuite observer l'organisation du texte, de laquelle on peut attendre beaucoup de rigueur, puisque le monologue délibératif s'emploie à examiner tour à tour les données du problème avant de choisir une issue :
- les deux solutions contradictoires se trouvent en effet mises en parallèle : un paragraphe entier est consacré à chacune d'elles, où le discours direct nous confronte à des lamentations puis à des exclamations de joie. Ce discours signale la spontanéité du personnage, tout entier livré à ses émotions. On repérera dans ces paragraphes le réseau des oppositions lexicales qui mélange comiquement les niveaux de langue et les registres.
- l'élément déclencheur de la décision : nous constatons qu'il intervient après que Gargantua a entendu les prières des prêtres ("et tout soudain fut ravi ailleurs"). Ce sursaut se manifeste immédiatement par un discours beaucoup plus rationnel dans lequel, posément, Gargantua se convainc de l'inutilité de ses larmes. Les futurs simples, les cadences désormais plus régulières de la phrase nous en avisent.
- la solution choisie : elle est conforme ici à l'épicurisme rabelaisien ("il vaut mieux pleurer moins et boire davantage") et à la tonalité générale du roman (l'étymologie fantaisiste du nom Pantagruel donnerait à peu près : celui qui a toutes les soifs).
Il importe enfin de proposer une interprétation : sous l'agrément du récit et la bonhomie du personnage, pris "au lacet" dans deux manifestations naturelles contradictoires, il faudra faire attention à la part occupée par la satire. Elle est d'abord dirigée contre les « arguments sophistiques » de la scolastique médiévale. Gargantua parvient à résoudre son problème sans leur aide, en puisant simplement dans son bon sens, et choisit ce qu'on doit à la vie contre la dangereuse stérilité du deuil. La satire prend aussi la religion pour cible : car c'est au moment où le deuil est pris en charge par l'Église dans ses formes les plus convenues que Gargantua décide de l'attitude à prendre, dans un sens radicalement inverse. Comme toujours chez Rabelais, c'est donc la Nature qui triomphe, et la force de la vie. Mais c'est aussi le libre choix de soi-même, dont la Dive Bouteille, à la fin du Cinquième Livre, prononcera l'oracle : "Trinch ! Soyez vous-même interprètes de votre entreprise."


Texte 2
Pierre CORNEILLE, Le Cid, (1637), I, VI.
[L'intrigue du Cid est bien connue : giflé par don Gormas, père de Chimène, don Diègue a demandé à son fils Rodrigue de le venger. Mais les deux jeunes gens s'aiment. Dans ces stances célèbres (le mot est issu du latin "stare", s'arrêter), Rodrigue exprime une hésitation dont il se reprendra bien vite, "honteux d'avoir tant balancé".]




Percé jusques au fond du cœur
D’une atteinte imprévue aussi bien que mortelle,
Misérable vengeur d’une juste querelle,
Et malheureux objet d’une injuste rigueur,
Je demeure immobile, et mon âme abattue
Cède au coup qui me tue.
Si près de voir mon feu récompensé,
O Dieu ! l’étrange peine !
En cet affront mon père est l’offensé,
Et l’offenseur le père de Chimène !
Que je sens de rudes combats !
Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse :
Il faut venger un père, et perdre une maîtresse;
L’un m’anime le cœur, l’autre retient mon bras.
Réduit au triste choix, ou de trahir ma flamme,
Ou de vivre en infâme,
Des deux côtés mon mal est infini.
O Dieu ! l’étrange peine !
Faut-il laisser un affront impuni ?
Faut-il punir le père de Chimène ?

Père, maîtresse, honneur, amour,
Noble et dure contrainte, aimable tyrannie,
Tous mes plaisirs sont morts, ou ma gloire ternie :
L’un me rend malheureux, l’autre indigne du jour.
Cher et cruel espoir d’une âme généreuse,
Mais ensemble amoureuse,
Digne ennemi de mon plus grand bonheur,
Fer, qui causes ma peine,
M’es-tu donné pour venger mon honneur ?
M’es-tu donné pour perdre ma Chimène ?
Il vaut mieux courir au trépas;
Je dois à ma maîtresse aussi bien qu’à mon père :
J’attire en me vengeant sa haine et sa colère,
J’attire ses mépris en ne me vengeant pas.
A mon plus doux espoir l’un me rend infidèle,
Et l’autre indigne d’elle;
Mon mal augmente à le vouloir guérir,
Tout redouble ma peine :
Allons, mon âme, et puisqu’il faut mourir,
Mourons du moins sans offenser Chimène.
Mourir sans tirer ma raison !
Rechercher un trépas si mortel à ma gloire !
Endurer que l’Espagne impute à ma mémoire
D’avoir mal soutenu l’honneur de ma maison !
Respecter un amour dont mon âme égarée
Voit la perte assurée !
N’écoutons plus ce penser suborneur
Qui ne sert qu’à ma peine :
Allons, mon bras, sauvons du moins l’honneur,
Puisqu’après tout il faut perdre Chimène.

Oui, mon esprit s’était déçu :
Je dois tout à mon père avant qu’à ma maîtresse;
Que je meure au combat, ou meure de tristesse,
Je rendrai mon sang pur, comme je l’ai reçu.
Je m’accuse déjà de trop de négligence.
Courons à la vengeance,
Et, tout honteux d’avoir tant balancé,
Ne soyons plus en peine,
Puisqu’aujourd’hui mon père est offensé,
Si l’offenseur est père de Chimène !


PERSPECTIVES

En vous aidant de la démarche que nous avons suivie pour le texte 1, précisez la situation et les étapes de ce monologue. Vous pourrez montrer comment le registre pathétique de la première partie du texte (trois premières strophes) disparaît dans la seconde pour exprimer le sursaut de cette « âme égarée » et qu'alors un autre système d'énonciation le remplace. Lequel ? observez, par exemple, la disparition des interrogations, la multiplication des injonctions, qui marquent une victoire contre soi-même.
Quel est notamment l'élément déclencheur, capable d'expliquer qu'après avoir affirmé : Je dois à ma maîtresse aussi bien qu’à mon père, Rodrigue finisse par inverser la proposition : Je dois tout à mon père avant qu’à ma maîtresse ?

Loin de la bonhomie du texte 1, cette tirade offre un exemple de ce qu'on a justement appelé un "problème cornélien" : de fait, le théâtre de Corneille est familier de ce genre de situations (Cinna, Horace, Polyeucte...), l'héroïsme consistant pour lui à vaincre ses passions et à satisfaire à un idéal moral propre à une classe et à une lignée (l'honneur du généreux, cette « âme bien née » dont s'est targué Rodrigue devant son adversaire).
Vous pourrez, ci-dessous, prendre connaissance d'un monologue célèbre de Cinna : pour vous aider dans le repérage des différentes étapes de ce débat intérieur, nous les avons marquées du signe . A quoi correspondent-elles ? Quelle est la tournure syntaxique dominante de la première partie du texte ? De la seconde ? Que marque ce changement ?

Document annexe
Pierre CORNEILLE, Cinna, (1640), IV, II.

[L'empereur Octave-Auguste a eu vent d'une conjuration où sont impliqués Cinna et des membres de sa famille. Faut-il punir ? Mais déjà tout ce sang sur son règne... Auguste choisira le pardon, au terme d'un combat héroïque contre lui-même : "Je suis maître de moi comme de l'univers".]

Rentre en toi-même, Octave, et cesse de te plaindre.
Quoi! tu veux qu'on t'épargne, et n'as rien épargné !
Songe aux fleuves de sang où ton bras s'est baigné,
De combien ont rougi les champs de Macédoine,
Combien en a versé la défaite d'Antoine,
Combien celle de Sexte, et revois tout d'un temps
Pérouse au sien noyée, et tous ses habitants.
Remets dans ton esprit, après tant de carnages,
De tes proscriptions les sanglantes images,
Où toi-même, des tiens devenu le bourreau,
Au sein de ton tuteur enfonças le couteau :
Et puis ose accuser le destin d'injustice
Quand tu vois que les tiens s'arment pour ton supplice,
Et que, par ton exemple à ta perte guidés,
Ils violent des droits que tu n'as pas gardés !
Leur trahison est juste, et le ciel l'autorise :
Quitte ta dignité comme tu l'as acquise;
Rends un sang infidèle à l'infidélité,
Et souffre des ingrats après l'avoir été.
Mais que mon jugement au besoin m'abandonne !
Quelle fureur, Cinna, m'accuse et te pardonne,
Toi, dont la trahison me force à retenir
Ce pouvoir souverain dont tu me veux punir,
Me traite en criminel, et fait seule mon crime,
Relève pour l'abattre un trône illégitime,
Et, d'un zèle effronté couvrant son attentat,
S'oppose, pour me perdre, au bonheur de l'État ?
Donc jusqu'à l'oublier je pourrais me contraindre !
Tu vivrais en repos après m'avoir fait craindre !
Non, non, je me trahis moi-même d'y penser :
Qui pardonne aisément invite à l'offenser;
Punissons l'assassin, proscrivons les complices. Mais quoi ! toujours du sang, et toujours des supplices !
Ma cruauté se lasse et ne peut s'arrêter;
Je veux me faire craindre et ne fais qu'irriter.
Rome a pour ma ruine une hydre trop fertile :
Une tête coupée en fait renaître mille,
Et le sang répandu de mille conjurés
Rend mes jours plus maudits, et non plus assurés.
Octave, n'attends plus le coup d'un nouveau Brute;
Meurs, et dérobe-lui la gloire de ta chute;
Meurs; tu ferais pour vivre un lâche et vain effort,
Si tant de gens de cœur font des vœux pour ta mort,
Et si tout ce que Rome a d'illustre jeunesse
Pour te faire périr tour à tour s'intéresse;
Meurs, puisque c'est un mal que tu ne peux guérir;
Meurs enfin, puisqu'il faut ou tout perdre, ou mourir.
La vie est peu de chose, et le peu qui t'en reste
Ne vaut pas l'acheter par un prix si funeste.
Meurs, mais quitte du moins la vie avec éclat,
Éteins-en le flambeau dans le sang de l'ingrat,
A toi-même en mourant immole ce perfide;
Contentant ses désirs, punis son parricide;
Fais un tourment pour lui de ton propre trépas,
En faisant qu'il le voie et n'en jouisse pas :
Mais jouissons plutôt nous-mêmes de sa peine;
Et si Rome nous hait triomphons de sa haine.
O Romains ! ô vengeance ! ô pouvoir absolu !
O rigoureux combat d'un cœur irrésolu
Qui fuit en même temps tout ce qu'il se propose !
D'un prince malheureux ordonnez quelque chose.
Qui des deux dois-je suivre, et duquel m'éloigner ?
Ou laissez-moi périr, ou laissez-moi régner.



Texte 3
Jean RACINE, Andromaque (1667), V,I.

[Amoureuse de Pyrrhus, Hermione se voit supplantée par Andromaque dans le cœur de celui-ci. Furieuse, elle a chargé Oreste de le tuer. Mais, pendant que le mariage de Pyrrhus et d'Andromaque est près d'être célébré, elle semble encore hésiter.]

Où suis-je ? Qu'ai-je fait ? Que dois-je faire encore ?
Quel transport me saisit ? Quel chagrin me dévore ?
Errante, et sans dessein, je cours dans ce palais.
Ah ! Ne puis-je savoir si j'aime ou si je hais ?
Le cruel ! De quel œil il m'a congédiée !
Sans pitié, sans douleur au moins étudiée.
L'ai-je vu se troubler et me plaindre un moment ?
En ai-je pu tirer un seul gémissement ?
Muet à mes soupirs, tranquille à mes alarmes,
Semblait-il seulement qu'il eût part à mes larmes ?
Et je le plains encore ! Et, pour comble d'ennui,
Mon cœur, mon lâche cœur s'intéresse pour lui.
Je tremble au seul penser du coup qui le menace,
Et, prête à me venger, je lui fais déjà grâce.
Non, ne révoquons point l'arrêt de mon courroux :
Qu'il périsse ! Aussi bien il ne vit plus pour nous.
Le perfide triomphe et se rit de ma rage ;
Il pense voir en pleurs dissiper cet orage ;
Il croit que, toujours faible et d'un cœur incertain, Je parerai d'un bras les coups de l'autre main.
Il juge encor de moi par mes bontés passées.
Mais plutôt le perfide a bien d'autres pensées.
Triomphant dans le temple, il ne s'informe pas
Si l'on souhaite ailleurs sa vie ou son trépas.
Il me laisse, l'ingrat ! cet embarras funeste.
Non, non, encore un coup : laissons agir Oreste.
Qu'il meure, puisqu'enfin il a dû le prévoir,
Et puisqu'il m'a forcée enfin à le vouloir.
A le vouloir ? Hé quoi ! C'est donc moi qui l'ordonne ?
Sa mort sera l'effet de l'amour d'Hermione ?
Ce prince, dont mon cœur se faisait autrefois
Avec tant de plaisir redire les exploits,
A qui même en secret je m'étais destinée
Avant qu'on eût conclu ce fatal hyménée,
Je n'ai donc traversé tant de mers, tant d'États,
Que pour venir si loin préparer son trépas,
L'assassiner, le perdre ? Ah ! Devant qu'il expire...

PERSPECTIVES

Le genre délibératif est inductif : les arguments naissent d'une situation vécue comme insupportable et se construisent patiemment à l'aide d'un examen raisonné (ou qui s'efforce de l'être) de toutes les conditions qui l'ont créée, comme des conséquences diverses qui pourraient résulter de tel ou tel choix. Avec Racine, ce schéma se désorganise, car l'impératif moral, auquel le héros cornélien devait toute son énergie et ses sacrifices, disparaît : il ne reste plus alors que l'orgueil et la passion. Montrez que ce sont bien ces deux ressorts qui marquent les différentes étapes du monologue d'Hermione.
Il est donc plus difficile ici de segmenter le discours en unités claires et progressives. Le désarroi du personnage s'exprime par des sautes incessantes d'une humeur à une autre, qui tiennent déjà de la fureur, et manifestent, de manière quasi pathologique, l'empire de la passion. Les interrogatives et les exclamatives, fort abondantes, le rythme souvent haché des alexandrins, contribuent à peindre les atermoiements d'une femme amoureuse et blessée.
Il n'y a pas ici de prise de décision, Hermione étant interrompue par Cléone, sa suivante. Mais, lorsqu'elle aura enfin contre Pyrrhus armé le bras d'Oreste, elle reprochera à celui-ci d'avoir accompli son geste :
Ne devais-tu pas lire au fond de ma pensée?
Et ne voyais-tu pas, dans mes emportements,
Que mon cœur démentait ma bouche à tous moments ? (V,3)
En rassemblant vos remarques précédentes, montrez qu'en effet ici « la bouche est démentie par le cœur ».



Texte 4
Victor HUGO, Les Misérables (1862), I, VII, 3.
[L'ancien bagnard Jean Valjean est devenu l'honorable M. Madeleine, maire de Montreuil-sur-Mer. Mais il apprend un jour qu'un certain Champmathieu, qu'on a pris pour lui, va comparaître aux Assises. Au terme de ce débat intérieur dont nous donnons ici un extrait, véritable « tempête sous un crâne », Valjean ira se dénoncer.]

Il reculait maintenant avec une égale épouvante devant les deux résolutions qu'il avait prises tour à tour. Les deux idées qui le conseillaient lui paraissaient aussi funestes l'une que l'autre. – Quelle fatalité ! quelle rencontre que ce Champmathieu pris pour lui ! Être précipité justement par le moyen que la providence paraissait d'abord avoir employé pour l'affermir !
Il y eut un moment où il considéra l'avenir. Se dénoncer, grand Dieu ! se livrer ! Il envisagea avec un immense désespoir tout ce qu'il faudrait quitter, tout ce qu'il faudrait reprendre. Il faudrait donc dire adieu à cette existence si bonne, si pure, si radieuse, à ce respect de tous, à l'honneur, à la liberté ! Il n'irait plus se promener dans les champs, il n'entendrait plus chanter les oiseaux au mois de mai, il ne ferait plus l'aumône aux petits enfants ! Il ne sentirait plus la douceur des regards de reconnaissance et d'amour fixés sur lui ! Il quitterait cette maison qu'il avait bâtie, cette chambre, cette petite chambre ! Tout lui paraissait charmant à cette petite table de bois blanc ! Sa vieille portière, la seule servante qu'il eût, ne lui monterait plus son café le matin. Grand Dieu ! au lieu de tout cela, la chiourme, le carcan, la veste rouge, la chaîne au pied, la fatigue, le cachot, le lit de camp, toutes ces horreurs connues ! A son âge, après avoir été ce qu'il était! Si encore il était jeune! Mais, vieux, être tutoyé par le premier venu, être fouillé par le garde-chiourme, recevoir le coup de bâton de l'argousin ! avoir les pieds nus dans des souliers ferrés ! tendre matin et soir sa jambe au marteau du rondier qui visite la manille! subir la curiosité des étrangers auxquels on dirait : Celui-là, c'est le fameux Jean Valjean, qui a été maire à Montreuil-sur-Mer ! Le soir, ruisselant de sueur, accablé de lassitude, le bonnet vertsur les yeux, remonter deux à deux, sous le fouet du sergent, l'escalier-échelle du bagne flottant! Oh ! quelle misère ! La destinée peut-elle donc être méchante comme un être intelligent et devenir monstrueuse comme le cœur humain !
Et, quoi qu'il fît, il retombait toujours sur ce poignant dilemme qui était au fond de sa rêverie : – rester dans le paradis, et y devenir démon ! rentrer dans l'enfer, et y devenir ange ! [...]
A de certains moments, luttant contre sa lassitude, il faisait effort pour ressaisir son intelligence. Il tâchait de se poser une dernière fois, et définitivement, le problème sur lequel il était en quelque sorte tombé d'épuisement. Faut-il se dénoncer ? Faut-il se taire ? – Il ne réussissait à rien voir de distinct. Les vagues aspects de tous les raisonnements ébauchés par sa rêverie tremblaient et se dissipaient l'un après l'autre en fumée. Seulement il sentait que, à quelque parti qu'il s'arrêtât, nécessairement, et sans qu'il fût possible d'y échapper, quelque chose de lui allait mourir; qu'il entrait dans un sépulcre à droite comme à gauche; qu'il accomplissait une agonie, l'agonie de son bonheur ou l'agonie de sa vertu.


PERSPECTIVES

Ici encore, le débat intérieur tient du vertige, dont les exclamatives du discours indirect libre rendent compte : l'alternative où le personnage est enfermé génère une succession d'images plus que d'arguments ( ces "vagues aspects de tous les raisonnements ébauchés par sa rêverie"). Montrez, en les relevant et en les opposant terme à terme, que c'est par un réseau d'images antithétiques (oxymores, parallélismes, antithèses) que le personnage exprime son déchirement.
De même, le mélange du registre réaliste et d'un certain onirisme contribue à décrire l'état psychologique de Jean Valjean. Caractérisez ces deux registres à l'aide d'exemples lexicaux et syntaxiques.
L'extrait que nous proposons enfin ci-dessous témoigne de la prédilection de Hugo pour le monologue délibératif : son œuvre romanesque est en effet traversée de consciences en mouvement, saisies par l'exigence de la vraie justice. Car la grandeur de l'humanité tient moins à la force de ses choix qu'à tout ce qui peut les faire vaciller.

Document annexe
Victor Hugo, Quatrevingt-treize, (1874), III, VI.

[Le marquis de Lantenac, un des chefs de la contre-révolution vendéenne, a sauvé d'un incendie les trois enfants de Michelle Fléchard, cantinière pourtant de l'armée révolutionnaire. Par ce geste il a ralenti sa fuite et s'est fait arrêter. La nuit suivante, le jeune commandant Gauvain, au service de la Révolution, livre avec sa conscience un long combat intérieur : le sort de la France exige l'exécution de Lantenac, mais, en sacrifiant sa cause et sa vie pour trois enfants, celui-ci est "entré dans l'humanité".]

Gauvain subissait un interrogatoire.
Il comparaissait devant quelqu'un.
Devant quelqu'un de redoutable.
Sa conscience.
Gauvain sentait tout vaciller en lui. Ses résolutions les plus solides, ses promesses les plus fermement faites, ses décisions les plus irrévocables, tout cela chancelait dans les profondeurs de sa volonté.
Il y a des tremblements d'âme.
Plus il réfléchissait à ce qu'il venait de voir, plus il était bouleversé.
Gauvain, républicain, croyait être, et était, dans l'absolu. Un absolu supérieur venait de se révéler.
Au-dessus de l'absolu révolutionnaire, il y a l'absolu humain. [...]
Tout homme a une base ; un ébranlement à cette base cause un trouble profond ; Gauvain sentait ce trouble.
Il pressait sa tête dans ses deux mains, comme pour en faire jaillir la vérité. Préciser une telle situation n'était pas facile ; rien de plus malaisé ; il avait devant lui de redoutables chiffres dont il fallait faire le total ; faire l'addition de la destinée, quel vertige ! il l'essayait ; il tâchait de se rendre compte ; il s'efforçait de rassembler ses idées, de discipliner les résistances qu'il sentait en lui, et de récapituler les faits.
Il se les exposait à lui-même.
A qui n'est-il pas arrivé de se faire un rapport, et de s'interroger, dans une circonstance suprême, sur l'itinéraire à suivre, soit pour avancer, soit pour reculer ?
Gauvain venait d'assister à un prodige.
En même temps que le combat terrestre, il y avait eu un combat céleste.
Le combat du bien contre le mal.
Un cœur effrayant venait d'être vaincu.
Etant donné l'homme avec tout ce qui est mauvais en lui, la violence, l'erreur, l'aveuglement, l'opiniâtreté malsaine, l'orgueil, l'égoïsme, Gauvain venait de voir un miracle.
La victoire de l'humanité sur l'homme.
L'humanité avait vaincu l'inhumain.
Et par quel moyen ? de quelle façon ? comment avait-elle terrassé un colosse de colère et de haine ? quelles armes avait-elle employées ? quelle machine de guerre ? le berceau.
Un éblouissement venait de passer sur Gauvain. En pleine guerre sociale, en pleine conflagration de toutes les inimitiés et de toutes les vengeances, au moment le plus obscur et le plus furieux du tumulte, à l'heure où le crime donnait toute sa flamme et la haine toutes ses ténèbres, à cet instant des luttes où tout devient projectile, où la mêlée est si funèbre qu'on ne sait plus où est le juste, où est l'honnête, où est le vrai ; brusquement, l'Inconnu, l'avertisseur mystérieux des âmes, venait de faire resplendir, au-dessus des clartés et des noirceurs humaines, la grande lueur éternelle.
Au-dessus du sombre duel entre le faux et le relatif, dans les profondeurs, la face de la vérité avait tout à coup apparu.
Subitement la force des faibles était intervenue. [...]
Et l'on pouvait dire : Non, la guerre civile n'existe pas, la barbarie n'existe pas, la haine n'existe pas, le crime n'existe pas, les ténèbres n'existent pas ; pour dissiper ces spectres, il suffit de cette aurore, l'enfance.
Jamais, dans aucun combat, Satan n'avait été plus visible, ni Dieu.
Ce combat avait eu pour arène une conscience.
La conscience de Lantenac.
Maintenant il recommençait, plus acharné et plus décisif encore peut-être, dans une autre conscience.
La conscience de Gauvain.
Quel champ de bataille que l'homme !




Réflexion : On observera peut-être qu'au fil de nos six documents, la décision se fait plus difficile, l'organisation des deux termes de l'alternative plus complexe et confuse. Faut-il y voir un indice de la dissolution de cet édifice collectif des valeurs morales, qui rend par exemple le héros cornélien plus héroïque d'obéir à ces codes ? Mais que l'individu soit désormais davantage rendu à lui-même et sommé d'être libre ne génère-t-il pas une autre sorte d'héroïsme ?

Écriture d'invention : à l'issue d'un corpus de cette sorte, l'examen vous demanderait sans doute de rédiger votre propre production en tenant compte de vos observations de structure et de forme. Pourquoi en effet ne pas s'y essayer, sur un sujet de votre choix ou sur une proposition de ce genre :
Au moment où il va faire sauter le pont sur lequel s'engage une colonne de blindés ennemis, un franc-tireur s'aperçoit qu'un groupe d'enfants s'y engage aussi de l'autre côté. Que fera-t-il ? Rédigez le monologue délibératif qui précéderait de quelques secondes sa décision.
Vous pourrez consulter l'extrait de la pièce de Camus Les Justes où semblable conflit intérieur s'est emparé du personnage de Kaliayev.






28-11-2011 | 2 vues

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samedi 26 novembre 2011

List of judicial errors in France

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List of judicial errors in France





A judicial error is "error of fact by a trial court in its assessment of the guilt of a person prosecuted [1]." This definition assumes that a court, which has been following this error, knowledge of the case, may find this error and neutralize. It is the judicial authority itself which recognizes the existence of a judicial error.



A [edit]

•Roland Agret: sentenced in 1973, Paris. Retried and acquitted in 1985 rehabilitated.



[Edit] C

•Jean calas: 1761, Toulouse (France); rehabilitated in 1765.



•Monique box: sentenced in 1965 and met on 5 May 1966.



(D) [edit]

•Rida Daalouche: sentenced in 1991 and then on April 12, 1994, it is retried and acquitted on May 8, 1999



•Jean Dehays: sentenced in 1949, he was retried and acquitted in 1955.



•Jean-Marie Devaux: sentenced in 1963, retried and acquitted in 1969



•Patrick Dils: 1989, Montigny-lès-Metz (France); retried and acquitted in 2002.



•Alfred Dreyfus: sentenced in 1894 and then again in 1899, he is pardoned the same year then finally acquitted and rehabilitated in 1906. It is not so much a judicial error to a conviction deliberate for reasons of State.



[Edit] L

•The vicomte de La Roncière in case the Roncière (1835)



•Joseph Lesurques in the case of the courrier de Lyon (1796)



[Edit] M

•Guy Mauvillain: sentenced 1975, retried and acquitted in 1985



O [edit]

•Affaire of Outreau: viewed by public opinion as an example of judicial error, it cannot receive this qualification since all persons wrongly accused and remanded in custody, some were finally acquitted before the Assize Court of first instance in 2004 or appeal a few months later, in 2005.



[Edit] R

•Jean Rayne in 1364 to Douai [2]





A•Affaire Deveaux



•Roland Agret



B•Derek Bentley



C•Affaire Calas



•Elizabeth Cass



•Affaire coffin



•Affaire Cécile Combettes

D•rida Daalouche



•Patrick Dils



•Cornelius Dupree



•Jules Durand



G•Gerry Conlon



H•Robert Hubert



K•Affaire Kaas



L•les crimes of the Cardinals of Vittel



M•guy Mauvillain



•Juan Melendez

O•affaire of Outreau



Q•Quatre of Guildford



R•Jean Rayne



Rossel •Louis



S•Affaire Sacco and Vanzetti



•Affaire Sirven



•Pierre-Paul Sirven



V•Affaire Villarceaux



W•Judith Ward





Seznec case



















The case

Joseph Marie Guillaume Seznec, born offset may, 1878, at Plomodiern, in Finistère, master of sawmill at Morlaix, was found "guilty of false private writable and the murder of Pierre Quéméneur", General Counsel of Finistère, the latter who had strangely disappeared on the night of May 25 to May 26, 1923, during a business trip made of Brittany in Paris with Guillaume Seznectravel related (according to Guillaume Seznec) for sale to the Soviet Union of stocks of cars Cadillac reassigned to the France by the U.S. Army after the first world war. However, even if several assumptions may be advanced for this rather mysterious disappearance. Mysterious car first Pierre Quéméneur body has never been recovered. Then several witnesses at trial testified crossed Pierre Quéméneur after his disappearance. The hypothesis of murder was adopted by the Justice. Being the last living person to have seen Quéméneur (according to the survey), Guillaume Seznec became the main suspect: he was arrested, charged and imprisoned.

His trial, in which nearly 120 witnesses were heard, lasted eight days and ended on November 3, 1924. Guillaume Seznec was then recognized guilty, but planning being ousted, he was sentenced to forced labour in perpetuity while the Advocate General had requested the death penalty. He was then taken to the camp of the Transportation of Saint - Laurent - du - Maroni in 1927, then transferred to the penal colony of the islands of salvation in French Guiana in 1928. Several works bear witness to the hardness of the penal colony maintained by the French Republic in Guyana (Albert London;) In the penal colony. Claude Sylvane; Our penal colony. Denis Seznec; Seznec, the penal colony; Laffont. The Seznec case in photos of the Foundation to the penal colony; (Laffont).



Guillaume Seznec refused a presidential pardon in 1933. After the 2nd World War and the closure of the penal colony of Guiana, Guillaume Seznec enjoys sentence in May 1946 [1], he returned to metropolis France the following year. In 1953, in Paris, he was overthrown by a pick-up truck which took flight. Found, the driver claimed that he had not seen. Guillaume Seznec died on 13 February 1954, died from his injuries.



Timing and results of the statement of the time [edit]

The chronology of events [edit] on 25 May 1923, after having spent the night at the Hotel de Paris, Rennes, Guillaume Seznec and Pierre Quéméneur take the road of Paris in a Cadillac brand car. Quéméneur Seznec, must meet the following day to eight hours a certain Chardy or Sherdly. Quéméneur had told his family he would be back on May 28. A few days, Quéméneur family concern and will find Seznec requesting news. He tells them that a car failure, he left Quéméneur Dreux station, where he took the train to Paris. He suggests perhaps went in America.



June 13, a telegram signed Quéméneur is sent of Harbour, main port of departure to America with the following text: "Does get Landerneau that in a few days everything is for the better - Quéméneur". June 20, an employee of the harbour station discovers a suitcase with papers for Quéméneur and informs his family.



June 22, a statement for suspicious disappearance is open to Brest. In this statement, the suitcase is seized. It contains a promise of sale typed (which at the time is rare) on a large property with Manor House located in Plourivo, belonging to Quéméneur, for the benefit of Seznec and for a sum of 35 000 francs of the time, either 33 500 euros (value 2009), no relation to the price of such property. (This property will be sold 155 000 francs in 1925.)



June 26, Seznec is heard by the gendarmes. He explains that the promise of sale was drafted by Quéméneur and he was given against the 4 040 $-gold that he had to change to Brest, 35 000 francs representing that the balance of the sale price. This ceremony took place without witness. According to Seznec, Quéméneur would have needed liquidity to deal with the case of the Cadillac which called him to Paris; Seznec knows not more, because, he said, in the case, its role is limited to receive for Quéméneur mail sent on envelopes to header of the Paris American Chamber of commerce.



He tells the details of the trip to Paris, and how, the car being down, he had to leave Quéméneur at Dreux and returned to Morlaix.



The result of the statement of the time [edit] as eight witnesses saw Seznec and Quéméneur together at Houdan, 60 km from Paris; They resumed the whole road. Quéméneur has therefore not left Seznec in Dreux, but in Houdan (Seznec approximation).



A witness saw one Seznec at the wheel of his car, in the early morning of the next day, at the tail-lez-Yvelines, 15 km of Houdan on the road to Paris. This witness helped him with his car failed. Seznec recognizes this fact.



The wife of Seznec confirms that her husband left his home June 12 in a car. He left his car in a farm at Plouaret, judgment on the Brest railway line.



According to several witnesses, Seznec would have seen in le Havre on June 13, the sending of the telegram signed Quéméneur since this city. He would have bought the typewriter used to type the promise of sale. Five witnesses confirmed these facts. It would have used an assumed name during this stay.



According police, Seznec would have seen the same day in Paris-Montparnasse station in Paris, at 21 hours, where he took the train to Plouaret. Seznec nie en bloc.



On 14 June in the morning, he recovered his car to Plouaret, either in the hour after the arrival of the train where he would have been seen the previous day.



The police eventually discover July 6 the typewriter used to write the promises of sale in the third search in the sawmill of Seznec...



Experts examine the machine. They conclude that it has served well to write the promises of sale (which one would have given by Seznec Paris police) and that the alleged handwritten entries written by Quéméneur are in fact false (recall that the promises of sale are dated May 22, 1923, and that the typewriter was purchased on June 13, 1923).



In the suitcase recovered in le Havre, there was also a spending diary, indicating in particular tickets of train Dreux-Paris and Paris - Le Havre, with erroneous prices.



Attempt to review the trial [edit]

During his trial and for years its remaining to live, Seznec stopped his innocence. His descendants, and in particular his grandson Denis Le Her-Seznec (Denis Seznec), regularly sought justice for reopening the file, to the whitewashing of the charges against him and for his pardon.



To support this action, Denis Seznec, relatives and sympathizers were founded in Paris in 1995 FRANCE JUSTICE, association under the 1901 Act. This association is a member of the French Committee of the non-governmental organizations (NGOs) to the United Nations.



The effective action of FRANCE JUSTICE (relayed by the media) is responsible for the Act of 23 June 1989 so-called "Seznec Act", passed unanimously in the Parliament (rare). It amended the procedure for review of cases tried in Assisi. This means "of new evidence casting doubt on the guilt." Note that on the 2000 business giving rise to a review procedure, two thirds were dismissed and the last third was dismissed.



The reputation of FRANCE JUSTICE allowed him to attract personalities: lawyers famous, parliamentarians, the singer Yves Duteil (descendant of Captain Dreyfus) and some of the cleared as Patrick Dills or those found innocent at the trial of Outreau (Alain Marécaux,...)



To rehabilitate Guillaume Seznec fourteen applications were reviewed by the justice and were all rejected.



The criminal conviction review Committee agreed, on 11 April 2005, to reopen the record of the conviction for murder of Guillaume Seznec [2]. This decision could open the way to a possible cancellation of the conviction against her in 1924. The Criminal Chamber of the Court of cassation, acting as a Court of revision, review this record October 5, 2006.



At this hearing, the benefit of the doubt in favour of Guillaume Seznec was requested specifically referring to the possibility of a police set-up of the trainee Inspector Pierre Bonny (revoked in 1935 of the French police for serious faults, sentenced for corruption, then Deputy later Henri Lafont, the head of the French Gestapo) with higher hierarchical, Commissioner Vidalwas in charge of the investigation. On its side the rapporteur Advisor Jean-Louis Castagnède argued the opposite view, arguing that this manipulation seemed improbable because of the low number of acts established by Bonny (5 500) and, on the other hand, the expertise sought by the Court of cassation had established that Guillaume Seznec was the author of the false promise of sale of the property of Quéméneur located at Plourivo.



December 14, 2006, the annulment of the conviction of Seznec was dismissed by the Court of review which found that there was no new factor likely to give rise to doubt about the guilt of Guillaume Seznec [3], noting that the existence of a such that alleged police conspiracy is physically impossible and that the participation of Inspector Bonny to a police set-up has not been proven [4]. This case seems closed, a new application for revision is improbable. The Seznec family had first manifested the intention to seize the European Court of human rights, but on the advice of his lawyers, she waived [5].

Pequeña lección de psicología:

Pequeña lección de psicología:
los pervertidos narcisistas y su complicesPetite lección de psicología: narcisistas pervertidos narcisistas y su perversa complicesLes no tienen respeto por los demás, que consideren pertinentes para sus necesidades de alimentación, objetos de la autoridad o sus intereses. Hacen promesas que él no va saber que promesas enlazar sólo aquellos que creen. Mentira flagrante pillada, puede negar con un plumb fuera de lo común...

La caridad bien ordenada siempre empezando por uno mismo, se conocen perfectamente y defender ferozmente sus intereses que aún tiene una visión muy clara. Intentan disfrutar de cada momento de las oportunidades, de todas las personas encontradas, y estas personas son explotadoras y sistemáticamente a tomar, como la medida de lo posible, se benefician de ellos. Como para todos los Narcissists, es debida. Admiten sin relitigation y sin reproche.



Narcissists pervertidos son incapaces de amar a otros. En su gran mayoría, tienen ningún "humanidad", ningún ser humano sentir, ningún Estado de alma, no afecta. Tienen frío y calculador, totalmente indiferente al sufrimiento de otros. Pero mientras más a menudo, no se ha podido tener sentimientos humanos, simulan el hecho de ser llenado, en apariencia, buenos sentimientos y una genuina empatía por los demás.



Decepción les causa enojo o resentimiento con un deseo de venganza. Esto explica que el furor destructivo les incautaron en separaciones. Cuando un perverso percibe una herida narcisista (derrota, rechazo), siente un deseo ilimitado de venganza. Esto no es como en un individuo enojado, una reacción de pasajeros y azaroso, es un rencor inflexible, implacable, que se aplica la perversa todas sus fuerzas y sus capacidades de razonamiento. Y entonces, será constantemente para satisfacer su propósito de venganza.

Narcissists pervertidos a menudo necesitan odiar a existir. Odio puede ser un motor muy potente en casa.



A menudo, los pervertidos narcisistas es alguien que nunca ha sido reconocida en su propia personalidad, que ha sido víctima de narcisista inversión importante por parte de los padres y se vio obligado a construir un conjunto de personalidades (ficticios) para dar la ilusión de existir.



Debido a una historia personal, donde estuviera, por ejemplo el brazo de uno de sus padres, pervertidos no puede lograrse. Luego observan con envidia lo que otros que tienen que lograr.

Narcissists pervertidos nunca son sinceros, siempre mintiendo. También puede decir la verdad que se encuentran con aplomo. Más a menudo, realizan delicada falsificación de la verdad, que realmente no podría ser mentira, y aún menos construcciones delirantes. Mezclar la mentira, la sinceridad y franqueza - es decir, por el otro, muy desestabilizador - parte de su juego.



Negación (de sus defectos, por el otro) les permite a "amar" (y querer siempre más). Se encuentran a sí mismos, sobre su valor real, en lo que realmente son. En determinados momentos, que terminan creyendo sus mentiras, a los demás, saben. Es la ambivalencia de la patología mentiroso patológico. Los pervertidos narcisistas es un "actor nacido". Sus mentiras con formación se convirtió en segunda naturaleza para él.

Su paleta de personalidades, personajes de emoción fingida es increíble. El rango de su conjunto de actor es infinito, constantemente renovado.

Más a menudo se da la imagen de una persona perfectamente tranquila, nunca es frustrante.

Más a menudo, los pervertidos narcisistas tiene un extremo en la lucha contra el espíritu y una capacidad de rebote notable. Su megalomanía, su narcisismo o incluso su paranoia, refuerzan esta combativeness. A menudo inmensamente orgullosos, incluso megalomaniacos, narcisistas pervertidos como ganar a toda costa, sin fin y no se puede admitir, sólo una vez, perdiendo. Está listo para cualquier cosa, incluso a los golpes más tortuosos, nunca perder. Los pervertidos es como un niño mimado. Si no encuentra ninguna resistencia, él irá aún más.

Con el tiempo esta tendencia, que puede proporcionar un éxito dinámico durante un tiempo, se convierte en una adicción. Signos de su megalomanía, fortalece la espalda y le lleva a no poder tolerar cualquier frustración o contradicción.



"Calumniar, calumniar, siempre será algo! (Beaumarchais).

Los pervertidos narcisistas tiene talento difamar sin aire ahí tocando, con cautela, dando la apariencia de objetividad y más serio, como si sólo informaba de palabras que no son el visado. A menudo no está claro Conde, pero insidiosas, simplemente veladas alusiones. A la larga, se logrará a sembrar la duda, sin nunca haber pronunciado una frase que podría caer bajo el golpe de una acusación de difamación.



Situaciones clínicas:



• Negación: "La Francia nunca ha cometido genocidio", en Francia, no ha hecho nada, no ha existido colaboración, por lo tanto no tenemos necesidad de arrepentimiento (y es en la misma mata tiempo el padre destruyendo el trabajo de memoria notable de su predecesor).



• La difamación sin que: "Nos mató ovejas en bañeras," su desprecio anónimo y el colonialismo.



• Golpear el otro de no existencia para despreciar y desestabilizar la: no miro mi oponente en un debate, digo "ella" en viendo un testigo.



• El disfrute de la implicación: "Digo en voz alta lo que todo el mundo piensa que cualquier menor." Lo que pensamos todos bajas, es en General no muy hermosa, y con razón, que no dice. O "en Francia, no se puede decir cosas": por ejemplo, los negros nos emmerdent, foutons el dehors…



• Causa aturdimiento y la adhesión del séquito por enfrentar el horror absoluto: por ejemplo hablar extensamente de la difícil situación de la madre de Birkirkara aprobar una ley de reincidencia.



• Ser un megalómano, no tener la más mínima enganchado a su propia imagen: tienen un gran patrón de prensa que han puesto de manifiesto como ridículo del cornudo.



• Niños: venganza de una madre abandonada que deja a la edad de 28 años.



• Amor de traición: llevar al portavoz quien traicionó y difamado su propio camp…



Pero sin duda tiene en mente para otros situations…



Vaya, buena continuación.



Serge Hefez •

Small lesson of Psychology:

Small lesson of Psychology:
the narcissistic perverts and his psychology lesson complicesPetite: narcissistic narcissistic perverts and its perverse complicesLes have no respect for others, that they consider relevant to their needs of power, objects of authority, or their interests. It make promises that he will not be knowing that promises only bind those who believe. Caught red-handed lie, they can deny with a plumb out of the ordinary...

Charity well ordered always starting with oneself, they know perfectly and fiercely defend their interests which they still have a very clear vision. They try to enjoy every moment of the opportunities, of all encountered people, and these people are exploitative and systematically to take, as far as possible, benefit for them. As for all Narcissists, it is due. They admit no relitigation and no reproach.



Narcissists perverts are unable to love others. In their vast majority, they have no "humanity", no human feeling, no State of soul, no affect. They are cold and calculating, totally indifferent to the suffering of others. But while, more often, unable to have human feelings, they simulate the fact to be filled, in appearance, good feelings and a genuine empathy for others.



Disappointment cause them anger or resentment with a desire for revenge. This explains the destructive rage seized them at separations. When a perverse perceives a narcissistic injury (defeat, rejection), he feels an unlimited desire for revenge. This is not, as in an angry individual, a passenger reaction and haphazard, it is an inflexible, relentless grudge which the perverse applies all its forces and its reasoning capabilities. And then, it will constantly to satisfy his purpose of revenge.

Narcissists perverts need often hate to exist. Hatred can be a very powerful engine at home.



Often, the narcissistic perverts is someone that has never been recognized in his own personality, who has been victim of narcissistic investment important on the part of parents and was forced to build a set of personalities (dummy) to give the illusion of exist.



Because of a personal history, where he were, for example the arm of one of their parents, perverts could not be achieved. They then observe with envy what others that they have to achieve.

Narcissists perverts are never sincere, always lying. They can also tell the truth that lie with aplomb. Most often, they perform sensitive falsification of the truth, that might not really be lies, and even less delusional constructions. Mix the lie, the sincerity and frankness - that is, for the other, very destabilizing - part of their game.



Denial (of their defects, on the other) allows them to "to love" (and to always love more). They lie to themselves, on their real value, on what they actually are. At certain times, they end up believing their lies, to others, they know. It is the ambivalence of the pathological liar pathology. The narcissistic perverts is a "born actor". His lies with training became second nature to him.

His palette of personalities, characters of feigned emotion is amazing. The range of its set of actor is infinite, constantly renewed.

It most often gives the image of a perfectly calm person, is never frustrating.

Most often, the narcissistic perverts has an extreme fighting spirit and a capacity of remarkable rebound. His megalomania, his narcissism, or even his paranoia, reinforce this combativeness. Often immensely proud, even megalomaniacal, narcissistic perverts like win at all costs, without end, and cannot admit, only once, losing. It is ready for anything, even to the most devious blows, to never lose. The perverts is like a spoiled child. If it encounters no resistance, he will go still further.

Over time this trend, which can provide a dynamic success for a time, becomes an addiction. Signs of his megalomania, it strengthens the back, and leads him to not be able to tolerate any frustration or contradiction.



"Slander, vilify, it will always something! (Beaumarchais).

The narcissistic perverts has talent defame without air there touching, cautiously, giving the appearance of objectivity and the more seriously, as if it was only reporting words that are not the endorsed. Often it is not clear count, but merely veiled, insidious allusions. At long, it will succeed to sow doubt, without have never pronounced a sentence that could fall under the blow of a charge of defamation.



Clinical situations:



• Denial: "The France has never committed genocide", in France, it has done nothing, collaboration has not existed, therefore we do not have need of repentance (and is at the same time kills the father by destroying the remarkable memory work of his predecessor).



• The defamation without there: "We killed sheep in bathtubs," the it anonymous contempt and colonialism.



• Hit the other of non-existence to despise and destabilize the: I don't watch my opponent in a debate, I say "she" in watching a witness.



• The enjoyment of the implication:

"I say out loud what everyone thinks any lower." What we think all low, is in General not very beautiful, and rightly, it does not say. Or "in France, cannot say things": for example, the Negroes us emmerdent, foutons the dehors…



• Cause stunning and the accession of the entourage by confronting the absolute horror: for example speak at length of the plight of the mother of Birkirkara to pass a law on recidivism.



• Being a megalomaniac, do not bear the slightest hooked to his own image: have a great pattern of press to have been revealed as ridiculous of the Cuckold.



• Children: revenge a mother abandoned that it leaves at the age of 28 years.



• Love of treachery: take to spokesperson who betrayed and slandered his own camp…



But you certainly have in mind for other situations…



Go, good continuation.



• Serge Hefez •

Kleine Lektion der Psychologie:

Kleine Lektion der Psychologie:
die narzisstische Perverts und seine Psychologie Lektion ComplicesPetite: narzisstische narzisstische Perverts und seine perversen ComplicesLes haben keinen Respekt für andere, dass sie für ihre Bedürfnisse mit Strom, Objekte der Behörde oder ihre Interessen relevant halten. Sie versprechen, die er wird nicht wissen, dass Versprechungen binden nur diejenigen, die glauben. Gefangenen Rothandtamarin liegen, können sie mit otwessom außergewöhnliches leugnen...

Nächstenliebe übersichtlich beginnen immer mit sich selbst, sie perfekt kennen und heftig verteidigen ihre Interessen, die sie immer noch eine sehr klare Vorstellung haben. Sie versuchen, genießen jeden Augenblick von den Möglichkeiten, alle aufgetretenen Menschen, und diese Menschen sind ausbeuterischen und systematisch zu ergreifen, so weit wie möglich für sie zu profitieren. Wie für alle Narcissists ist es fällig. Sie zugeben, keine Relitigation und kein Vorwurf.



Narcissists Perverts sind nicht in der Lage, andere zu lieben. In ihrer überwiegenden Mehrheit, sie haben keine "Menschheit", kein Mensch Gefühl, kein Staat der Seele, keine Auswirkungen. Sie sind kalt und berechnend, völlig gleichgültig gegenüber dem Leiden anderer. Aber während mehr oft nicht in der Lage, menschliche Gefühle, sie simulieren die Tatsache, Darstellung, gute Gefühle und ein echtes Mitgefühl für andere ausgefüllt werden.



Enttäuschung führen sie Wut oder Ärger mit dem Wunsch nach Rache. Dies erklärt, dass sie die zerstörerische Wut an Separationen beschlagnahmt. Wenn eine perverse eine narzisstische Verletzung (Niederlage, Ablehnung) wahrnimmt, fühlt er sich einen unbegrenzten Wunsch nach Rache. Dies ist nicht, wie in eine böse Person, ein Passagier-Reaktion und oberflächliche, es ist eine unflexible und unerbittlichen Groll der perversen gilt seine Streitkräfte und seine Argumentation Fähigkeiten. Und dann, es wird ständig um seinen Zweck der Rache zu erfüllen.

Narcissists verkehrt müssen oft hasse es, vorhanden sind. Hass ist eine sehr leistungsfähige Engine zu Hause.



Oft narzisstischen verkehrt ist jemand, der nie in seiner eigenen Persönlichkeit anerkannt worden ist, wurde Opfer der narzisstische Investitionen seitens der Eltern wichtig und war gezwungen, eine Reihe von Persönlichkeiten, die Illusion der gibt zu geben (Pseudo) erstellen.



Aufgrund der eine persönliche Geschichte, wo er waren, könnte zum Beispiel der Arm eines ihrer Eltern, verkehrt nicht erreicht werden. Sie beobachten dann mit Neid was andere, die sie haben, zu erreichen.

Narcissists Perverts sind nie aufrichtig, immer liegen. Sie können auch die Wahrheit sagen, liegen mit Gelassenheit. In den meisten Fällen führen sie sensible Verfälschung der Wahrheit, die nicht wirklich liegt möglicherweise, und noch weniger wahnhafte Konstruktionen. Mischen Sie die Lüge, die Ehrlichkeit und Offenheit - das heißt, für die anderen, sehr destabilisierenden - Teil ihres Spiels.



(Dienstverweigerung ihre Mängel, auf der anderen) ermöglicht es ihnen zu "Liebe" (und immer mehr lieben). Sie liegen auf sich selbst, auf ihren realen Wert, auf was sie wirklich sind. Zu bestimmten Zeiten sie am Ende ihre Lügen, für andere, zu glauben, sie wissen. Es ist die Ambivalenz der pathologisch Lügner Pathologie. Die narzisstische verkehrt ist ein "Schauspieler". Seine Lügen mit Ausbildung wurde zweite Natur zu ihm.

Seine Palette von Persönlichkeiten, Zeichen der vorgetäuschte Emotion ist erstaunlich. Das Spektrum der einen Satz von Schauspieler ist unendlich, ständig erneuert.

Es gibt dem Bild einer perfekt ruhigen Person in den meisten Fällen, ist nie frustrierend.

In den meisten Fällen die narzisstische verkehrt hat ein extrem Kampfgeist und einer Kapazität von bemerkenswerte Erholung. Seine Größenwahn, seinem Narzissmus oder sogar seine Paranoia, verstärken diese Kampfbereitschaft. Oft unermesslich stolz, auch größenwahnsinnige, narzisstischen verkehrt wie um jeden Preis, ohne Ende gewinnen, und kann nicht zulassen, nur einmal verlieren. Es ist bereit für etwas, sogar die am meisten hinterhältig Schläge, dass niemals verloren gehen. Die verkehrt ist wie ein verzogenes Kind. Wenn es keinen Widerstand findet, wird er noch weiter gehen.

Im Laufe der Zeit wird diese Entwicklung, die einen dynamischen Erfolg für eine Zeit liefern können, eine sucht. Anzeichen von seinem Größenwahn, es stärkt den Rücken, und führt ihn dazu nicht in der Lage, alle Frustration oder Widerspruch zu tolerieren werden.



"Verleumdung, beschimpfen, es wird immer etwas! (Beaumarchais).

Die narzisstische verkehrt hat Talent ohne Luft zu diffamieren dort berühren, vorsichtig, sodass das Erscheinungsbild der Objektivität und je mehr ernst, als ob es nur Worte Berichterstattung war, die nicht die gebilligt sind. Oft ist nicht klar, zählen, sondern nur verschleiert, hinterlistig Anspielungen. Bei Long gelingt es Zweifel zu säen, ohne eine Strafe, die unter der Schlag des eine Anklage wegen Verleumdung fallen könnte niemals ausgesprochen haben.



Klinischen Situationen:



• Denial: "Die Frankreich hat nie Völkermord begangen", in Frankreich, hat es nichts getan, Zusammenarbeit existiert nicht, wir haben daher keine Notwendigkeit der Umkehr (und in der gleichen Zeit tötet Vater durch die Zerstörung der bemerkenswerten Speicher Arbeit seines Vorgängers).



• Die Diffamierung ohne dort: "Wir getötet Schafe in Badewannen," It anonyme Verachtung und Kolonialismus.



• Drücken Sie die andere nicht-Existenz zu verachten und destabilisieren die: Ich sehe nicht mein Gegner in einer Debatte, ich sage "sie" beobachten, ein Zeuge.



• Den Genuss der Auswirkungen: "Ich sage laut, was jeder denkt, einem niedrigeren." Was wir denken alle niedrig ist, ist in der Regel nicht sehr schön, und sie sagt zu Recht nicht. Oder "in Frankreich, Dinge auch nicht sagen": beispielsweise den Negern uns Emmerdent, Foutons die Dehors…



• Ursache Betäubungs- und den Beitritt im Gefolge von konfrontieren den absoluten Horror: zum Beispiel sprechen ausführlich die Not der Mutter des Birkirkara, ein Gesetz auf Rückfall zu übergeben.



• Wird ein größenwahnsinnig, tragen nicht die geringste süchtig zu seinem Bild: haben eine große Muster Presse als lächerlich von der Cuckold aufgedeckt worden sind.



• Kinder: Rache eine Mutter aufgegeben, dass es im Alter von 28 Jahren verlässt.



• Liebe des Verrats: nehmen Sie zum Sprecher, die verraten und verleumdet seine eigene Camp…



Aber Sie haben sicherlich im Auge für andere Situationen



Gehen Sie, gute Fortsetzung.



• Serge Hefez

vendredi 25 novembre 2011

La responsabilité des juges


La responsabilité des juges
Par Yves Thréard le 13 février 2011 18h55 | Lien permanent | Commentaires (33)
N’en déplaise à Robert Badinter, il est bien difficile de comprendre la fronde des juges. L’ancien garde des Sceaux affirme que le président de la République, en condamnant des dysfonctionnements graves de la justice avant le meurtre de la jeune Laëtitia, a ravalé les magistrats au niveau de "facilitateurs du crime". Mauvais procès. Raisonnement quelque peu rapide d’un grand avocat qui se sait figurer parmi les consciences honorées de l’époque. Homme de verbe, il connaît le poids des mots et la force des tournures imagées.

Faut-il lui rappeler que lorsqu’un patient décède dans un hôpital, en raison de négligences commises par le personnel, nul ne songe à qualifier les médecins ou infirmiers de « facilitateurs de mort », de complices ? Pas davantage pour le moniteur distrait d’une colonie de vacances. Et pourtant, ces médecins, ces infirmiers ou ce moniteur devront répondre de leurs manquements. Car ils sont responsables. Pourquoi les magistrats et l’ensemble des acteurs de la chaîne judiciaire ne le seraient pas au même titre ?

Cette injustice, les Français la déplorent. Et à une grande majorité, comme le montre le sondage que publie aujourd’hui Le Figaro...

Retrouvez l'intégralité de cette note ainsi que l'ensemble de mes éditos sur ma page Mon Figaro

lien:http://blog.lefigaro.fr/threard/2011/02/la-responsabilite-des-juges.html

info Benjamin et de son fils Aureo (sefca puteaux solidaire du papa)

Cédric Fleurigeon http://www.facebook.com/event.php?eid=264268448591 Nous demandons à tous pendant une journée, le samedi 30 janvier 2010 de changer la photo de votre profil par celle de Benjamin et de son fils Aureo Il serait bon de voir fleurir cette photo sur la toile que se soit sur Facebook, MySpace, MSN ainsi que sur tous les méd